L’Arbézie, le tout petit pays qui faisait fi des frontières
C’est l’histoire d’une vallée perdue dans le massif du Jura, coincée entre la France et la Suisse. Un petit bout de terre oubliée des géographes qui ignoraient où passait la frontière. Le 8 décembre 1862, après des décennies de brouilles (dans l’indifférence générale, reconnaissons-le), Napoléon III redessine (un peu vite) la frontière entre la France et la Suisse, coupant en deux la vallée des Dappes. Mais cette séparation arbitraire passe au milieu de plusieurs propriétés. De plus, le traité précise qu’aucune atteinte ne sera portée«aux droits acquis au moment de l’échange des ratifications». Or si le traité est rédigé en décembre 1862, il ne sera ratifié par les deux parties qu’en février 1863.
C’est durant ce laps de temps, qu’un propriétaire malin (et un peu contrebandier) décide de construire un bâtiment pile sur le tracé. L’épicerie ouverte dans la foulée jongle ainsi sans vergogne avec les droits de douanes des deux Etats. Durant la Seconde Guerre mondiale, l’établissement, qui a été racheté par un certain Jules-Joseph Arbez, est transformé en hôtel et prend alors une importance stratégique. C’est l’un des seuls lieux que les nazis (qui ne veulent pas se brouiller avec les autorités suisses et leurs coffres remplis d’or) sont forcés de respecter. Pendant que les soldats du Reich se désaltèrent au bar français du rez-de-chaussée, des juifs, réfugiés ou soldats anglais sont cachés à l’étage. Car si les six premières marches de l’escalier se situent en France, à partir de la septième c’est la Suisse, pays libre.
La guerre terminée, Berne essaye de récupérer l’intégrité du terrain. En vain, car Max Arbez, fils de Jules-Joseph, est protégé par les gaullistes pour ses hauts faits de résistance (il a également été reconnu Juste parmi les nations en Israël). Il est autorisé à faire de l’hôtel une micronation au statut folklorique, dotée d’un drapeau triangulaire (la forme de son minuscule terrain) et d’une monnaie (la roupie arbézienne).
Notre homme s’autoproclame même «prince Max Ier d’Arbézie» (nom inventé par Edgar Faure, alors député du Jura) résumant bien la bizarrerie du plus petit pays du monde…
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