jeudi 6 février 2020

Un beau témoignage

Une asso qui postule pour un projet aux Petites Pierres, nous a envoyé, en plus des documents administratifs nécessaires à la constitution d'un dossier, ce beau et émouvant témoignage d'une ancienne bénéficiaire des services de l'asso.

Le voici, anonymisé :




« Je m’appelle xxx, je viens d’un village de l’Ouest du Cameroun, c’est un pays
lointain pour vous (rires), c’est en plein cœur du continent africain. J’y ai grandi avec
les autres enfants du village, et j’étais entourée de ma famille, ma mère, mes grand-
mères et mes sœurs. Mon père n’était plus là déjà. Et j’adorais aller à l’école. Moi, je
voulais être médecin ou institutrice. Un jour, des hommes armés sont venus chez
nous alors que, la veille, je venais tout juste de finir ma cérémonie d’entrée dans
l’adolescence. A partir de là, tous mes soucis ont commencé…Ils ont tout pillé dans
le village et brûlé nos maisons. Ils s’en sont pris aux femmes et aux jeunes filles. Ma
famille, je ne sais pas ce qu’elle est devenue. Je préfère ne pas y penser, ça me fait
trop mal. Moi, ils m’ont prise avec eux. Au début, je ne savais pas ce qui allait
m’arriver, puis j’ai compris. Et là, c’était fini…
Ils ont fait de moi leur chose. Ils me battaient. Je me sentais tellement seule. Et
j’avais peur. Après, ils m’ont envoyée en France. J’étais devenue ce qu’on appelle
une immigrante clandestine. Je me suis retrouvée dans la rue à chercher des clients.
Je ne sais pas comment c’est arrivé si vite mais je suis tombée enceinte d’un client et
je l’ai appris très tard, trop tard même…C’est en allant à l’hôpital que j’ai trouvé de
l’aide. On m’a orientée vers les services sociaux de la ville de Bobigny et on m’a
protégé de ce réseau. Mais bon, j’avais pas de logement, pas de papiers, pas
d’argent, un bébé sur les bras. C’était la misère, je peux vous le dire ! On m’a aidée à
faire un dossier pour avoir accès à un centre d’hébergement, et pouf ! Quatre mois
plus tard, j’étais à yyy. Entre-temps j’ai pas mal squatté à droite à gauche…
Qu’est-ce que j’étais contente ! C’est la première fois que j’avais un appartement
pour moi toute seule et mon enfant. J’avais jamais eu ça de ma vie. Y’avait le grand
confort, mais j’ai pris un peu de temps avant de m’y sentir bien. A yyy, on a
essayé de me rassurer, en me disant que j’étais en sécurité. Mais moi, je ne les
connaissais pas ces gens-là ! Et puis, je me suis habituée à leurs visages, à leurs
voix, à leurs gestes et à leurs sourires. Ils étaient tous très gentils avec moi et mon
bébé. Mais, c’est vrai que c’était pas facile, j’étais souvent angoissée, et je sais que
mon enfant le ressentait. J’ai pensé que je n’arrivais pas à prendre soin de lui.
Quand il criait parfois, je le laissais crier. Ça me rappelait trop de mauvais souvenirs,
ces cris. Petit à petit, lors de mes séances avec la psychologue du centre, j’ai
commencé à raconter ce qui m’était arrivé. J’avais l’impression de revivre tout ça.
C’était dur. Mais j’en avais besoin. Tout ça a pris beaucoup de temps.
On a fait des groupes de parole aussi avec les autres mamans du centre. Ensemble
on se mettait d’accord sur la vie en communauté. Chacune d’entre nous avait
quelque chose à dire et un rôle à jouer. L’équipe de nous a fait sentir que nous
en étions capables. Les travailleurs sociaux m’ont beaucoup aidée dans mes
démarches administratives, c’est vrai que je n’y comprenais pas grand-chose, à tous
ces formulaires et ces dossiers à remplir. On me demandait mon acte de naissance,
mais comment le retrouver ? Petit à petit, j’ai commencé à comprendre comment il
fallait s’y prendre, j’ai appris à faire mes démarches pour des aides, un logement
social et la sécu. On m’a aidé à chercher des formations et à faire les démarches
pour m’y inscrire. J’ai commencé par une formation d’aide-soignante, ça m’a
beaucoup plu.
Ce que j’ai surtout aimé, c’était de faire des ateliers : de la cuisine, du football, de
l’esthétique, du jardinage. On a même eu droit à des ateliers pour faire nos CVs et
apprendre comment se tenir en entretien. Avec les autres mamans du centre, on a
fait quelques sorties avec les enfants. On est allées à la ferme ou à la mer. On
respirait enfin. Et l’équipe de l'asso était toujours là pour nous aider. Moi, j’ai eu des
difficultés avec mon enfant au début. J’avais du mal à lui donner de l’amour et à
savoir ce qu’il fallait faire. J’avais peur de lui faire du mal. Mais on m’a beaucoup aidé
à me sentir bien avec mon enfant. De plus en plus, j’avais moi aussi l’envie de lui
transmettre ce que moi je n’avais pas eu et j’avais envie de le protéger. On fait
beaucoup de jeux ensemble et je lui parle. Depuis que j’ai commencé à travailler en
tant qu’aide-soignante, j’ai moins de temps pour lui. Mais une assistante maternelle
de l'asso s’en occupe, et je le récupère en fin de journée. Ça m’est arrivé aussi de le
laisser à une assistante maternelle quand je n’en pouvais plus de rester à la maison.
Et puis, un jour il était temps de partir. C’était dur de quitter cet endroit où j’y avais
vécu 3 ans et où mon enfant avait grandi. Beaucoup de souvenirs de moments
difficiles et heureux aussi. J’avais mon diplôme d’aide-soignante en poche et je
venais tout juste de signer mon contrat en CDI. Mais il était temps que je vive ma vie
toute seule avec mon enfant. Là, je me suis enfin sentie exister ».





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